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CIEL ABSENT
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CIEL ABSENT


À coups d’amour, à coups de haine
L’esprit frappe le mur du temps,
À coups d’espoir, à coups de peine
Intermittents.

Bardé de raison souveraine
Il prône ses choix, triomphant,
Bouffi de rêves, les égrène
Et va, piaffant.

Tourbillonne la vie humaine,
Sans relâche souffle le vent,
Batifolante, la sirène
Nage devant.

Fétus que la fureur entraîne
Ou qu’illumine le moment,
Prenons d’une âme plus sereine
Gloire et tourment.

Allons où le monde nous mène
Sourd au caprice du passant,
Restons en lui, la course est vaine
Au ciel absent.

***

FERVEUR

Constance du passé, sanglots, ressouvenirs
Alourdissent les coeurs. À quoi bon plaindre encore
Les charmes de jadis, attentes, devenirs,
Bonheurs perdus des jours que la faiblesse implore.

Ne savent ranimer les anciennes douceurs
Ni soupirs langoureux, ni suaves pensées,
Le lyrisme vieillot n’inspire que noirceurs
Epanchements amers et larmes trop versées.

Loin d’ici, la ferveur ne grossit-elle pas
Le mouvement fécond d’une force durable,
Le cours tumultueux des mille et mille pas
De la réalité vers l’ordre inaltérable ?

Connivence furtive ? Oeil froid de l’absolu ?
La lueur échappée au pire de l’absence
A dénoncé l’oubli d’un monde révolu
Pour s’éteindre aussitôt comme meurt l’espérance.

***

PRÉSENCE

Coeur de granit, âme de pierre,
Comment rêver des jours heureux,
Comment pleurer au cimetière,
Prison de souvenirs cendreux ?

Le vide a volé la lumière,
Vestige des temps généreux.
Que reste-t-il du long calvaire,
De son sourire douloureux ?

Rêves éteints, pleurs d’impuissance,
Âme errante, coeur pantelant
Ombrent le mur froid du silence.

Mais voici l’oiseau turbulent,
Voici la fleur fraîche et badine,
Voici sa joie, humble et divine.

***

Quel est ce monde ? Où sommes-nous ?
Blottis au giron d’une mère ?
Fous, perdus parmi d’autres fous ?
Face au vide ou face au mystère ?

Candeur d’enfant, rite insensé,
Effroi, sagesse douce-amère
Lancent leur hymne convulsé
À l’éternel, à l’éphémère.

Frère ou sœur de vie et de mort,
Chacun chevauche sa chimère,
Chante l’amour, brave le sort,
Tombe et s’efface, solitaire.

Nulle rime, nulle raison,
Aucun savant, aucun trouvère
N’a jamais franchi l’horizon
De sa soif ni de sa prière.

***

Poussière d’éléments, atomes, particules,
Semence de hasards et de nécessités,
Astres ardents, trous noirs et vivantes cellules,
Corps sans nombre, ils sont là, Dieu seul les a comptés.

Tous expriment la joie et les drames du monde,
Ils sont ses mots, sa foi, ses gestes, son amour,
Le chant de l’univers, sa force, sa faconde,
Ils en sont la substance et l’informe contour.

Matière en mouvement de mémoire éternelle,
Lumière fulgurante ou douce de l’esprit,
Sources de chaque élan et de chaque étincelle,
Dansent avec le feu que chacune nourrit.

Elles ont savamment façonné les structures
Et fabriqué le temps, sans comprendre l’idée,
Elles ont inventé toutes les aventures,
Cherchant où les conduit sa course débridée.

L’homme est leur instrument, c’est pour elles qu’il pense,
Pour elles qu’il agit, persévère et qu’il croit
Mais il n’a rien trouvé qu’une vaine espérance
Et la ronde s’affole et son doute s’accroît.

Il veut un avenir, il veut une promesse,
Enfin connaître l’oeuvre et son achèvement,
Il invoque des droits que sa route transgresse,
Demeure sans réponse et trompe son tourment.

Bonté, Bonheur, Amour, Beauté, Béatitude
Libèrent du présent ses rêves d’infini
Sans dire le “comment” de cette plénitude,
Sans dire le “pourquoi” d’un destin abonni.

L’ère n’est pas venue où sécheront les pleurs.
Le monde s’accomplit, l’homme subit le bal
Prêtant au ciel ombreux de naïves couleurs,
Reflets de son espoir et de son idéal.

*** 

À JAMAIS

Les soubresauts de sa course candide
Marquent la vie, empreintes du destin.
Ange ou démon, le maître qui la guide
Injecte en eux le suc ou le venin.

Lourds à jamais, pèsent sur l’existence
Un mot pervers, l’acte vil accompli,
Leur désaveu n’est que réminiscence,
Regrets, remords ne valent mieux qu’oubli.

Un regard clair, une douce parole,
Le long parcours au vent de vérité
Veillent, transis, dans l’âme que désole
L’errance au seuil de la sérénité.

Le temps vécu glisse dans la mémoire
Eternisant un passé sans retour,
Indifférent à l’appel dérisoire,
Au geste vide où s’attarde l’amour.

***

DEPUIS L’AUBE DU TEMPS

C’était l’aube du temps, celui de l’âme humaine
En est-il d’autre au sein de l’univers ardent ? ~
L’ancêtre, d’un regard, découvrit son domaine,
Tout était simple, alors, rude mais évident.

Innombrables maillons, les hommes, après lui,
Des terres et des flots rencontrèrent l’étrange,
Puis du ciel et du vide et, perdant tout appui,
Virent, les uns, l’horreur, d’autres trouvèrent l’ange.

Ils demeurent debout et leur chaîne s’allonge
Où s’enlacent les noeuds de la complexité.
Le doute les poursuit, l’ignorance les ronge,
Anxieux de connaître ils cherchent l’unité.

Dans le pullulement d’un espace éclaté
S’embrouille le destin ou la règle divine,
Foule des éléments, bribes de vérité
Foisonnent à leurs yeux mais nul ne la devine.

Depuis longtemps, des lois ânonnent la morale,
Dérisoires leçons de siècles orageux,
Depuis longtemps, le coq, à l’heure matinale
Offre son chant superbe aux éveils courageux.

Tout est conçu, déjà, tout n’est pas accompli,
Certains ont remonté le cours lent du mystère,
Le sillage effacé, méconnaissance, oubli
Engloutissent leur tâche... et tout est à refaire.

Toujours, il en viendra dont la foi ressaisie
Voudra chasser le trouble, aviver les ardeurs,
Il en sera toujours, chantres de parousie,
Pour éclairer le monde et louer ses splendeurs.

***

EFFLUVE

Présages de souffrance amours, bonheurs paisibles,
Fontaines de douceur à leur commencement
Trop vite affronteront en luttes impossibles
La loi de la raison, le cri du sentiment
Ou pire, subiront les rigueurs inflexibles
De l’exil effroyable et sans finissement.

Le passé devient lourd quand, privé de son rêve,
Il vole au devenir projets, croyance, espoir.
Le passé, l’avenir, la route qui s’achève
Glissent comme un trait sombre au reflet du miroir.
Seul arbitre du temps, nimbé de lueur brève,
Le présent, pathétique, exerce son pouvoir.

Point d’aboutissement et source intarissable,
Courte escale de vie et de réalité,
Il en fixe l’éclair désormais immuable
Et puis les abandonne à leur fatalité.
Le présent porte en lui la force inaltérable
D’accomplir dans l’instant l’acte d’éternité.

***

UN POINT ... C’EST TOUT !

L’unité précéda l’origine du monde,
Un point tenait le tout, radieuse entité,
Source du premier feu dont moins d’une seconde
A fait le firmament dans sa diversité.

La nature, depuis, exhale son génie
En quête de fantasme ou d’accomplissement.
Filles d’espace et temps, la fièvre et l’harmonie
Font, détruisent, refont, guident chaque élément.

Vogue ainsi l’univers, de miettes en parcelles
Où prospère l’histoire au fabuleux parcours,
Installant tour à tour au coeur des étincelles
Tout ce qui bouge et meurt et qui vivra toujours.

Il vivra l’astre mort, garant de l’équilibre,
De l’ordre au mouvement mesuré, triomphant,
Vivra l’homme perdu qui, brûlant d’être libre,
Mieux que son corps épars a préservé l’enfant.

Tout suit le même cours. Une pleine présence
A surgi dans l’instant de première fureur
Modulant à jamais la multiple apparence
Dans un monde fini, sans faille, sans erreur.

Rien ne vient, cependant, qui lèverait le voile.
Parfois l’énigme lance un rayon lumineux,
La réponse est ici, là, sous une autre étoile...
Sens et raison mêlés se perdent dans ses noeuds.

Le voyage se fait sans vivres ni boussole,
Qui mène à l’oubli noir ou vers l’éternité,
Sa férule est sévère à l’atome frivole :
Chaque élément se cherche, elle veut l’unité.

***