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DIVERTISSEMENTS
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CHEVAU-LEGER

La plume court, volent les sentiments,
Les mots du cœur délicats et prodigues,
Le verbe haut contre torts et intrigues,
Le chant joyeux des accomplissements.

Rêves fleuris, fugues de troubadours,
Voeux et désirs les mènent aux rivages
Immaculés. Là, s’écrivent des pages
Où languiront d’impossibles amours.

Pourquoi la vie, hommes impétueux,
Relègue-t-elle au plus profond de l’âme
Tant de fraîcheur, cependant qu’une flamme
Echauffe en nous des instincts tortueux ?

Chevau-léger prompt à charger le mal
L’esprit s’exhibe en fières attitudes
Puis s’abandonne aux vieilles turpitudes.
Sur le papier, somnole l’idéal...

***

VOYAGES

“Siècle incertain, souillé de barbarie,
Je te récuse ! Où sont les temps heureux ?”
L’esprit ingrat, gonflé de rêverie,
Las des tourments s’envole, aventureux.
                           
Gorgé de luxe et de fêtes galantes
Le voici fier, hôte de nos grands rois,
Bientôt frappé de scènes désolantes :
Faim, dénuement, maux d’un peuple aux abois.

Il va quérir aux sources de l’Attique
Pensers profonds, discours enluminés ;
Rôdent encor, mânes du monde antique,
Hilotes nus, esclaves enchaînés.

Au Moyen-Âge, une ferveur naïve
Devrait combler son besoin de fraîcheur ;
Le sectarisme y règne qui cultive,
Au nom de Dieu, haine, mépris, horreur.

Héraut troublé des affres d’une époque
Le romantisme, avant lui, s’indignait
Mais chaque jour, au prix d’une breloque,
Le miséreux seize heures besognait.

“ Bon pèlerin des pages de l’histoire,
J’ai promené mon tranquille idéal
Pour ne subir, de bassesse en déboire,
À tous moments que morsures du mal.

°°°   

Cherche plus loin, fantastique cervelle !
Tu n’as pas fait le voyage si beau
Qui t’enverrait à l’ère originelle
Quand l’homme était, sans passé ni tombeau.

Tu n’as pas fait l’impossible voyage
Qui mènerait au fond de l’avenir,
Au fol instant de l’ultime naufrage
Où tu verrais notre monde finir...

L’un te dirait jeunesse, insouciance,
Mythes, candeur, caprices du présent,
L’autre atteindrait, au bout de l’espérance,
L’ordre achevé, serein, agonisant.”

°°° 

Le passé dort, immuable racine.
La vie est là, fidèle à son projet,
Nous l’accueillons, en nous elle chemine,
Prête, demain, pour un nouveau trajet.

***

FIGURES DE MOTS

L’odelette, autrefois, fille d’Anacréon,
Rafraîchissait un coeur, flattait l’âme sensible.
De la Cour au gibet, des champs au Panthéon,
Maint poète a cherché les mots de l’indicible.

L’églogue de Virgile et son chant pastoral
Demeurent sans pareil. Maître de l’épopée
Victor Hugo façonne, exilé triomphal,
Sa pompeuse légende aux siècles échappée.

Villon, “povre Françoys”, de taverne en cachot,
Taquine le rondel, honore la ballade.
D’épigrammes lassé, maître Clément Marot
Entonne le sonnet, joyau de la pléiade.

Ronsard, prince de l’ode, interpelle Musset,
Lamartine, Vigny seigneur de l’élégie.
À la Bible, Claudel emprunte le verset,
Parole de ferveur et de foi resurgie.

Serviteur des géants, le vers alexandrin
De Corneille et Racine a soutenu la gloire.
Sextine, triolet, villanelle, quatrain
Scandent grâce et rigueur de lyrique mémoire.

L’épître et la satire alternent chez Boileau,
Commettre un madrigal peut amuser Voltaire,
Chénier donne à l’idylle un ton de renouveau,
Le songe de Nerval culmine en Baudelaire.

À la chanson, Verlaine abandonne ses pleurs.
Avant son cri d’enfer où succombe la rime,
Rimbaud perçoit le son des formes, des couleurs.
Mallarmé se mesure au symbole sublime.

Péguy, vrai fils de France, exhale son émoi,
Fantasque, Apollinaire ose la ritournelle
Quand survient Géraldy qui lance “Toi et Moi”...
Le chant d’amour n’est plus, vive la pastourelle !

***

MI CHÈVRE, MI CHOU

Le néant ? Le nôtre, sans doute
Est là, juste au bout de la route.
De toujours, nous le connaissons
Sans même en avoir vu les fonds
Ou plutôt non, nous ignorâmes
Ses ténèbres vides, infâmes,
Jusqu’à l’heure où nous sommes nés
Pour nous savoir abandonnés
Car le néant piège les hommes,
Nous l’oublions quand nous y sommes
Et, libérés de sa prison,
Il envahit notre horizon.

°°° 
                 
C’est en vain qu’il guette le monde.
L’Idée admirable et féconde
Seule accomplit le grand dessein
De la vie et de son destin,
La vie entière, féerique,
Du “bang” à la soupe cosmique,
De l’énergie aux électrons.
Ainsi serions nous les fleurons

D’une aventure de lumières
De particules et de pierres
Extraites du froid sidéral,
Ancêtres du règne animal.

°°° 

Honneur, incomparable gloire ?
Au mieux, un état transitoire...
Incomparable gloire, honneur ?
Ou mieux, l’approche du bonheur ?
Immanente et pure, l’Idée,
Incorruptible, débridée,
Enchevêtre et met bout à  bout
Des riens dont sortira le tout.
Lucides, bornés et perplexes,
Nous voyons ces formes complexes
Proliférer, œuvres de foi,
Sans jamais comprendre pourquoi.

°°° 
                       
Homme, femme, eh ! oui, toi qui passes,
Pétri d’échecs, fourbu d’impasses,

Ne sois sombre ni trop joyeux.
Issus d’ancestrales souffrances,
Porteurs d’avenir, d’espérances,
Nous participons d’un projet
Couru sans hâte ni rejet.
Marchons, puisque l’Idée insiste,
Bourreau, peut-être, mais artiste.
Le chemin n’est pas sans retour
Où s’abandonne un peu d’amour.

***

VERSAILLES ... OU AZINCOURT ?

Il n’est, de mon crû, vers qui vaille !
Tombé du tamis de l’amour
Ou pimenté d’esprit canaille
Aucun ne mérite détour.

Mes rimes ne sont qu’accordailles,
Mes pieds sont trop longs ou trop courts
Qu’ils sortent bruts de mes entrailles
Ou que j’en soigne les atours.

Sans honte, pourtant, je jouaille,
En pensant que peut-être, un jour,
Un joyau, dans cette pierraille,
Récompensera mon labour.

Sus aux pièges, poutres ou pailles,
Qui trop encombrent mon discours !
Mes picrocholines batailles
Sauront en libérer le cours.

***

DIVERTISSEMENT
               

      Que faut-il dire ? ~ Rien.       
Alors, que faut-il faire ?
Rien. ~ Parler à son chien ?
Oui, mais sans commentaire !

Agir à l’unisson
De l’immense désordre
N’est qu’absurde façon
De chef ou de sous-ordre...

Faut-il penser ? ~ Pourquoi ?
La ronde des idées
Nourrit le désarroi
Des âmes débridées.

Vivre sans vrai ni faux,
Ecrasé d’impuissance ?
Suivre ses idéaux,
Porté par l’espérance ?

Il pense, parle ou fait,
L’homme à l’humeur légère :
Son bonheur est en fait
D’oublier sa misère.

***

AVENTURE

Épris d’un mot le cœur s’élève,
Aventurier de l’idéal.
Vigoureux ou sentimental,
Le mot du cœur invite au rêve.
               
Le rêve entretient, loin du mal,
Un jardin selon son caprice,
Bienheureux éden où s’esquisse
Innocemment l’acte fatal.
             
Imaginaire, l’acte glisse
Et patatras ! les jeux sont faits,
Réalité morne à jamais,
Prisonnière de l’édifice.

La prison, homme, tu la hais,
Où le coeur fond, où tout s’achève.
Implore le mot d’une trêve
Dans l’ombre des jours imparfaits.


***

EVIDEMMENT

Pour s’ébattre continûment
Loin du sentier, hors de soi-même,
L’âme errante pas moins n’en aime
La simplicité du moment.
       
Mais la simplicité n’est telle
Puisque son apparence ment,
Révélatrice nullement
Des arcanes qui sont en elle.

Lors, il n’est éblouissement,
Feu céleste ni flamme humaine,
Dont l’évidence souveraine
Puisse combler l’entendement.

Cependant, contrainte ou paresse,
Chacun la tient pour fondement
De ses choix, de son jugement,
Fol est quiconque la transgresse.
       
Fous il s’en trouve, heureusement,
Nés de Démocrite ou d’Homère,
Pour amadouer ce cerbère,
Et lire le monde autrement.

*** 


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